Découvrons l’amharique cinq siècles après Christophe Colomb !
( attention, ceci n’est pas un compte rendu, ce ne sont que mes impressions)
Nous avons donc découvert une langue étonnante avec des gens charmants. Remarquez, c’est un peu le principe de nos repas, on découvre une langue qu’on ne connaît pas et dont certains traits ne peuvent donc que nous étonner. Et tant qu’à faire, on essaie de trouver des référents souriants, attentionnés, patients, etc. Ce furent donc Mikias, Aréfaynié et Samson (et non Melchior, Gaspard et Balthazar comme on aurait pu le croire).
Malgré un travail de préparation acharné de plusieurs semaines, notamment l’adaptation en amharique de la fiche de russe réalisée par Mikias, nous n’avons pas pu disposer à temps d’une fiche avec assez de grammaire, la conjugaison des verbes est donc restée un mystère pour nous, et elle nous a cruellement manqué. Je dis ça pour ceux qui croient que la grammaire a été inventée pour torturer les collégiens et non pour distinguer la première de la seconde personne, le sujet de l’objet, le passé du futur, etc., et donc dire des choses à peu près intelligibles, et surtout conformes à ce qu’on veut exprimer.
J’ai quand-même subi une grande frustration : on ne m’a pas laissé pontifier sur l’alpha-syllabaire du guèze, que je pensais avoir compris, et que j’ai même expliqué dans la fiche. Les apprenants sont donc repartis sans savoir ce que c’était, ni quelles différences et quelles ressemblances il avait avec les systèmes d’écriture du japonais, du hindi, du phénicien et de l’égyptien ancien (sans parler du chinois). Dommage, ça leur aurait permis de briller à l’occasion de leur prochain repas de famille, pour peu que la conversation vienne à porter sur ces sujets. Mais je me vengerai, j’écrirai un livre sur les systèmes d’écriture, et ceux qui ne veulent pas le lire devront le bouffer sans fourchette pour être admis à nos prochains repas.
Je vous parle de fourchette, parce qu’il faut en principe manger sans couverts en attrapant les aliments avec une espèce de crêpe, mais comme ça demande une certaine dextérité, je n’y suis pas arrivé. Et – honte à moi – je me suis servi de la fourchette qu’on avait quand même laissée à disposition pour repérer les mauvaises têtes. Je pense que ça ne change pas vraiment le goût des aliments, qui étaient exquis mais que je n’ai pas tous identifiés, parce que pendant que Mikias (encore lui) s’affairait devant la marmite, je faisais une dernière tentative pour améliorer la fiche linguistique.
On n’a donc pas percé les mystères de la conjugaison, mais on a appris plein de trucs. Aréfaynié nous a appris par exemple qu’à la place du nom de famille on donne le prénom du père, et évidemment le prénom du père change à chaque génération. Ce qui fait que l’administration française n’y comprend rien comme d’habitude. Les Éthiopiens qui arrivent en France donnent donc leur prénom quand on leur demande leur nom, et ils se font traiter ensuite de menteurs par des employés obtus. Il y a des gens qu’on a fusillés pour moins que ça, mais comme disait Esterhazy (celui à la place duquel Dreyfus a été condamné en toute justice), ça ne vaut pas la balle que ça coûterait.
De toute façon il faudra s’y remettre, on apprendra encore plein de choses (notamment sur le système verbal), et on pourra envisager de publier enfin le second tome de La langue de l’autre (le premier tome est disponible pour 10 euros dans les meilleures librairies, c’est-à dire essentiellement « Les Mots Passants » à Aubervilliers), avec une fiche d’amharique présentable.
Mimi